Dernière mise à jour le 17 mars 2025
Bien que souvent perçue comme une adventice, l’ortie présente des qualités écologiques et économiques impressionnantes. Utilisée dans des industries variées, de la cosmétique à l’automobile, l’ortie pourrait devenir une clé de la bioéconomie durable.
Une plante aux multiples atouts écologiques et économiques
Les professionnels du secteur agro-industriel, de la recherche et de la bioéconomie se sont réunis à Tourcoing en octobre dernier en vue de structurer et de valoriser la filière.
Ressource locale facile à cultiver, nécessitant peu d’intrants et adaptée aux sols acides, l’ortie est une culture durable et respectueuse de l’environnement. En tant que plante nitrophile, elle s’adapte bien aux sols enrichis en nutriments, et sa robustesse naturelle réduit le besoin en intrants, facilitant ainsi son intégration dans l’agriculture biologique. L’ortie est également bénéfique pour les sols et les écosystèmes voisins : elle favorise une biodiversité accrue, limite l’apparition de ravageurs comme les pucerons et possède des capacités de dépollution des sols et des eaux.
En plus de ses qualités agronomiques, l’ortie est exploitable dans son intégralité : les feuilles, les fibres de la tige et même les racines peuvent être valorisées. Cet aspect circulaire de la filière répond aux impératifs de la bioéconomie en créant de la valeur ajoutée tout en minimisant les déchets.
Des applications nombreuses
L’ortie peut être utilisée dans de nombreux domaines :
Enfin, dans le cadre de la gestion environnementale, l’ortie pourrait servir au traitement des eaux et à la dépollution des sols. Avec une capacité d’absorption de l’azote de 400 à 1 000 unités par hectare, elle offre une solution écologique aux problèmes d’excès de nutriments dans les sols. En bref, elle a tout d’une grande !
La filière se structure
Deux projets portés par la région Grand-Est, ORTINOVE et un PEI (Partenariat Européen pour l’Innovation) ont l’ambition de développer la production et la rentabilité de la filière. La volonté est de créer une chaîne de valeur complète, de la culture des plants d’ortie à la transformation en produits finis. Plusieurs expérimentations de plantation et de récolte, avec des défis techniques importants sont en cours pour apporter des réponses. Comme le séchage de l’ortie, qui doit être rapide (dans les six heures suivant la récolte pour éviter la fermentation) et qui reste actuellement une étape critique. D’autres techniques comme le rouissage – qui prend trois semaines – sont également explorées pour l’extraction des fibres, bien que des solutions plus efficaces et moins chronophages soient encore recherchées.
Du manque de volume à la standardisation
Un des principaux obstacles à la structuration de la filière réside dans le manque de volume. Le projet PEI ambitionne de résoudre ce problème en cultivant des variétés d’orties urtica dioica, en petites surfaces pour développer progressivement les compétences nécessaires. Le volume devient économiquement viable à partir de 100 kg, seuil qui permet de rentabiliser les investissements. Par ailleurs, la filière ortie se heurte à des défis liés au cahier des charges et à la standardisation des pratiques agricoles. La complexité des étapes de production, de la plantation au séchage, implique une main-d’œuvre importante et des coûts élevés. Une plaque de 200 plants d’ortie, par exemple, coûte 4 800 €, un investissement qui doit être rentabilisé en optimisant la production.
mais des perspectives de croissance exceptionnelles
D’ici 2025, les acteurs de la filière espèrent atteindre 100 hectares cultivés. Le passage à une plus grande échelle permettrait de structurer la filière et de réduire les coûts de production. En parallèle, l’orientation vers une production certifiée bio renforcerait la valorisation de l’ortie et répondrait à la demande croissante en produits naturels et locaux. Cette plante présente également des perspectives à long terme, notamment pour la replantation et l’utilisation des racines dans le secteur pharmaceutique. Avec un potentiel de replantation de 5 hectares pour chaque hectare de racines, l’ortie s’impose.
L’ortie est une plante aux propriétés exceptionnelles et aux usages variés qui pourrait devenir un pilier de la bioéconomie. Les initiatives actuelles montrent une réelle volonté de structurer cette filière et d’en faire une chaîne de valeur complète. En relevant les défis de production et en explorant de nouvelles techniques, la filière ortie pourrait, dans les années à venir, jouer un rôle central dans la transition écologique et l’économie circulaire.
Anaïs DECEUNINCK, Chambre d’agriculture du Nord-Pas de Calais