Vous êtes ici : Accueil > Articles > Fertilité biologique des sols: sol vivant?

Fertilité biologique des sols: sol vivant?

Accéder aux flux rss de notre siteImprimer la page

Lorsque l'on parle de la fertilité des sols, les références sur la fertilité chimique ou sur la fertilité physique ne manquent pas. Par contre la composante biologique est encore assez méconnue. L'acquisition de références expérimentales locales et nationales nous permet maintenant d'avoir des indicateurs fiables pour faire l'état des lieux d'une parcelle.

La fertilité biologique des sols est complexe, elle repose sur le fonctionnement d'une chaîne alimentaire (on parle de chaîne trophique) qui transforme la matière organique en composés minéraux assimilables par les cultures et participe à la stabilité du sol.

L'ensemble des organismes vivants qui participent à cette chaîne alimentaire peut-être regroupé en grands ensembles : vers de terres, bactéries, insectes, champignons…

Si on se focalise sur les bactéries, leur rôle peut être comparé aux performances d'un véhicule : On surveillera le niveau de carburant disponible, la puissance du moteur et la vitesse atteinte.

     La matière organique labile : le carburant de la fertilité biologique.

La matière organique est le carburant de la vie du sol. Elle se divise en trois composantes qui agissent différemment :

  • Les résidus grossiers jouent un rôle de protection du sol et forment la réserve des autres fractions de matière organique.
  • A l'opposé, la matière organique fortement transformée constitue les molécules humiques qui s'associent à l'argile et au calcium pour former le complexe argilo-humique. Ces molécules complexes ont une longue durée de vie (supérieure à 50 ans) elles sont essentielles dans la stabilité du sol et au fonctionnement chimique mais ne contribuent pas au fonctionnement de la vie du sol.
  • Entre les deux fractions précédentes, la matière organique labile, constituée d'éléments fins est la réelle source d'alimentation de la chaîne trophique du sol.
    Ainsi, au-delà d'une simple analyse de la matière organique, l'agriculteur qui s'intéresse à la fertilité biologique de sa parcelle devrait faire une analyse de fractionnement de la matière organique. Ce réservoir de carburant représente généralement entre 15 et 30 % de la matière organique totale.

 La biomasse bactérienne et la diversité bactérienne, 2 indicateurs de la puissance du moteur de l'activité biologique. Pour que la matière organique soit bien dégradée, il faut que les bactéries soient nombreuses et adaptées. Pour poursuivre la métaphore mécanique, on peut dire qu'il s'agit de la cylindrée du moteur.

  • La quantité de bactéries est mesurée par l'analyse de la biomasse bactérienne. Généralement comprise entre 2 et 4 % de la matière organique du sol, une biomasse bactérienne élevée permet de transformer rapidement la matière organique. Mais une valeur élevée peut aussi révéler un travail du sol intensif qui peut favoriser le développement des bactéries. Sur le plan qualitatif, une bonne diversité des populations bactériennes permet une plus grande adaptabilité face aux différentes sources de matières organiques disponibles. Cet indicateur varie entre 1 et 5. Il peut être comparé au couple du moteur.
  • Enfin, la vitesse des processus biologiques doit être mesurée par l'analyse de la vitesse de libération de l'azote. Placé en condition contrôlée de température et d'humidité, la matière organique du sol libère de l'azote. La valeur de l'ABM (azote biologiquement minéralisable) donne la proportion de l'azote qui est rapidement libérée par l'activité microbienne. Cette valeur est généralement comprise entre 0 et 4 % mais peut aussi être plus élevée pour les sols riches ou au contraire, parfois inférieur à 0 % quand la parcelle reçoit des apports de matière organique très difficilement dégradable.

Ces analyses sont aujourd'hui réalisables en routine à des tarifs qui deviennent accessibles (de 50 à 90 € HT selon les paramètres et les laboratoires). Il ne s'agit pas de faire toutes les parcelles de l'exploitation mais de choisir avec l'aide de votre conseiller chambre une parcelle représentative de l'itinéraire technique et les analyses les mieux adaptées au projet : Incidence d'un travail en TCS (Techniques Culturale simplifiée), Passage en SD (Semis direct), ...

Depuis 2016 la chambre d’agriculture Hauts de France a mis des essais de suivi de la vie biologique des sols sur des parcelles dans la région pendant minimum 5 ans. Ces parcelles agriculteur (≈ 10 ha) ont deux ou trois modalités en fonctions des parcelles. La modalité témoins (pratique agriculteur conventionnelle) et les modalités TCS, SD ou Agriculture de conservation.

Un état initial des parcelles a été réalisé avec :

  • Analyse physico-chimique des sols
  • Analyse de terre
  • Comptages et identification des Vers de terre
  • Teneur et biomasse microbienne
  • Activité enzymatique
  • Suivi de la décomposition des pailles (Leva-Bags - Litter-Bags)
  • État structural des sols

Cette série de mesures et analyses est ensuite réalisée chaque année dans chaque modalité afin d’avoir un suivi complet. A la fin de ces 5 années une analyse comparative entre les modalités (Conventionnelle, SD, TCS…) et les différents lieux (Types de sols) seront réalisés. Nous serons donc plus à même de juger quelles sont les pratiques permettant d’améliorer la fertilité des sols, la santé des plantes et la résilience des systèmes de cultures.
Alors qu'on imagine parfois aujourd'hui des pratiques radicalement différentes pour faire face à des problèmes de baisse de la fertilité de certaines parcelles, avoir quelques bons indicateurs sur le tableau de bord, c'est très utile pour aller dans la bonne direction.

Les résultats seront présentés le 11 juin à Catenoy (60) lors de la visite de la plateforme d’essais des chambres d’agriculture des Hauts de France. Venez assister à notre mini-conférence fertilité des sols organisé sur place à 11h15 et 14h30

Quelques résultats 2018 de l’essai de la chambre d’agriculture de la Somme sur Aizecourt-le-Haut.

Article rédigé par:
Pierre-Louis Morchoisne, conseiller-expérimentateur et  Olivier Suc, pédologue
Chambres d’agriculture Hauts-de-France - Pour le groupe régional Expérimentation

 

 

 

Abonnez vous !